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Chez le cheval, les affections respiratoires représentent un motif de consultation fréquent car elles sont sources de contre-performance. Les signes cliniques typiques d’une affection respiratoire sont la toux, le jetage, une dyspnée (=difficulté respiratoire), des bruits respiratoires anormaux, une intolérance à l’effort et on peut également parfois observer une atteinte de l’état général. Dans tous les cas, ces affections respiratoires auront un impact sur la fonctionnalité du système respiratoire suite à des modifications des structures qui le composent (cornets nasaux, sinus, larynx, trachée, bronches, poumons, etc). Ainsi la fonction principale de ce système sera altérée, on observera des échanges gazeux perturbés, une hématose (=réoxygénation du sang au niveau des poumons) incomplète et donc une mauvaise oxygénation de l’organisme.

Il existe plusieurs types de pathologies respiratoires :

– celles des voies respiratoires supérieures : rhinite, sinusite, pharyngite, laryngite, cornage ;

– et celles des voies respiratoires inférieures : trachéite, bronchite, bronchiolite, pleurésie, rhinopneumonie, grippe, pneumothorax, emphysème (= asthme humain).

Ces pathologies peuvent être de diverses origines : infectieuse, virale, bactérienne, allergique.

Maintenant que nous avons vu brièvement les causes et les conséquences des diverses affections respiratoires, nous allons « planter le décor » d’un point de vue anatomique et physiologique avant de proposer une analyse ostéopathique de l’insuffisance respiratoire chez le cheval.

Le thorax du cheval est constitué de la colonne vertébrale (18 vertèbres thoraciques), des côtes (18 paires de côtes) et du sternum. Le thorax c’est plus ou moins 180 articulations mises en mouvement. Le rythme respiratoire du cheval est de 10 à 15 mouvements par minute, ce qui veut dire que le diaphragme se contracte 22 000 fois par jour. Le rythme cardiaque du cheval est de 30 à 40 battements par minute ce qui veut dire que le cœur se contracte 60 000 fois par jour. La plus petite fixation, « bombardée » 60 000 fois par jour, aura donc des conséquences considérables sur l’ensemble de l’organisme.

D’un point de vue ostéopathique, les pathologies respiratoires commencent très souvent par des fixations ostéoarticulaires. En effet, une dysfonction ostéopathique correspond à une forme d’excès ou de manque de physiologie de certaines structures ; elle se manifeste par un déficit de mobilité, une déficience ou une fragilité. Elle résulte soit de la présence de phénomènes extérieurs défavorables soit de l’absence de phénomènes favorables. Ainsi toute dysfonction ostéopathique de la sphère thoracique peut engendrer à long terme l’apparition d’une pathologie respiratoire ou cardiaque. Et inversement, une fixation ostéoarticulaire au niveau du thorax peut être conséquence et indiquer une viscéralgie thoracique. Ce sera donc le rôle du praticien d’investiguer et de déterminer laquelle est primaire et laquelle est secondaire, autrement dit il faudra établir la chronologie des évènements.

Pour se faire, le praticien ostéopathe va donc observer l’état général du cheval (amaigrissement) et si les signes cliniques suivants sont présents : – une transpiration excessive à certains endroits, – un stress, – la respiration (thoracique, abdominale, active, en un ou deux temps, etc), – une toux (grasse ou sèche, constante ou intermittente, faible ou soutenue, au repos ou au travail), – un jetage… Il faudra aussi regarder les ganglions lymphatiques (plus particulièrement les ganglions de la gorge et de l’auge) et apprécier leur dureté, leur grosseur et si leur palpation engendre une douleur. Si le cheval présente une adénopathie (hypertrophie des ganglions) cela nous indiquerait plutôt une infection. Lors de son diagnostic le praticien devra également noter la présence d’œdèmes qui traduisent une anomalie du retour veineux et lymphatique ; cela indique un possible risque d’anévrisme ou d’embolie.

Lors du traitement, l’ostéopathe va agir grâce à diverses techniques ostéopathiques sur les structures suivantes dont la normalisation va permettre de restaurer l’homéostasie de la sphère thoracique :

– Le diaphragme, c’est le muscle inspirateur, on s’assurera que ses mouvements sont normaux et que ses insertions sont libres afin de permettre une respiration ample et symétrique entraînant une bonne hématose du sang dans les poumons.

– Les poumons, siège de l’hématose, on vérifiera que les poumons droit et gauche sont symétriques dans leur expansion et dans leur mouvement.

– Les sinus et les voies respiratoires supérieures devront être dégagées pour permettre le passage de l’air, pour se faire on agira en crânien sur les os nasaux, frontaux, ethmoïde, lacrymaux, maxillaires et temporaux.

– Le larynx et la trachée, voies de conduction de l’air, doivent être libres de toute obstruction ou fixité, il sera donc intéressant d’effectuer des mobilisation de ces structures.

– L’os hyoïde, appendu au crâne en s’articulant avec les os temporaux, supporte le larynx. Il faudra donc s’assurer que les articulations temporo-hyoïdiennes soient libres dans leur mouvement.

– L’articulation entre la dernière cervicale et la première thoracique ou C7/T1 située entre les deux épaules du cheval est le siège neurologique de la sphère thoracique. En effet, à son niveau se trouve le ganglion stellaire, structure nerveuse qui va déléguer les nerfs pour les plexus nerveux cardiaque, pulmonaire et oesophagien.

– Le nerf vague est une structure nerveuse qui transporte les fibres parasympathiques responsables de la détente de l’organisme. Il a un rôle modérateur sur le cœur, et il provoque une constriction des bronches et une augmentation des sécrétions bronchiques. Il faudra donc s’assurer qu’aucun obstacle ne se trouve sur le trajet de ce nerf, on vérifiera également son origine et son émergence (crânien et articulation de la nuque ou C0/C1).

– Le garrot est constitué des premières vertèbres thoraciques (jusqu’à T9 en général). De là émergent des nerfs cardiaques qui rejoignent le ganglion stellaire puis le cœur, les poumons, etc. Le garrot a donc un lien direct avec le cœur et les poumons.

– Les côtes doivent être libres dans leur mouvement, il faudra donc lever toute fixité empêchant une respiration normale.

Nous venons de voir comment améliorer la fonctionnalité du système respiratoire en agissant directement sur les organes ou indirectement sur des zones reliées à ce système soit par les nerfs soit par le sang qui sont les deux voies permettant de restaurer l’homéostasie du corps et donc de retrouver la santé.

Pour terminer, je souhaiterais illustrer un des principes fondamentaux de la philosophie ostéopathique : l’unité du corps. Tous les systèmes du corps sont en interrelation. Rien n’illustre mieux ce principe fondamental que le fascia. Qu’est ce que le fascia ? Le fascia est un tissu conjonctif (ou de soutien) omniprésent au niveau du corps qui est comparable à une toile d’araignée. Le fascia assure des fonctions indispensables à la vie, il permet : – la structuration de l’organisme, – la conduction des flux liquidiens, – et le support pour les vaisseaux, les nerfs et autres fibres conductrices. Le fondateur de l’ostéopathie, Andrew Taylor Still émit l’hypothèse que l’origine d’un grand nombre de pathologies se trouvait dans les fascias. En effet, la maladie trouve tout ce dont elle a besoin dans le fascia (sang et nerf) car c’est lui qui détient les lignes de communication de l’organisme et qui en fait donc une unité fonctionnelle.

Les pathologies du système respiratoire n’échappent pas à cette règle et nous allons voir comment en travaillant sur les fascias on peut agir sur les organes profonds du système respiratoire. Les poumons sont enveloppés par la plèvre qui est elle-même doublée du fascia endothoracique qui va déléguer des ligaments pour maintenir les organes de la cavité thoracique (cœur et poumons). Or, comme nous l’avons vu le fascia est comme une toile d’araignée et n’est que continuité. Ainsi le fascia endothoracique se prolonge dans le cou par le fascia cervical qui vient s’insérer jusqu’au crâne sous l’os sphénoïde. L’ostéopathe pourra donc agir sur le fascia endothoracique via le fascia cervical en effectuant un travail crânien au niveau de l’os sphénoïde mais aussi en mobilisant les cervicales en translations transverses et en latéroflexions. De l’autre côté le fascia endothoracique adhère fortement au centre tendineux du diaphragme puis se prolonge par le fascia transversalis dans l’abdomen. Ce fascia transversalis double extérieurement le péritoine qui adhère aux viscères abdominaux jusqu’aux organes de la cavité pelvienne en lien avec le périnée.

Ceci me permet de conclure en montrant qu’en travaillant par exemple sur l’os sphénoïde (crânien) ou le périnée, on peut atteindre les poumons et le cœur via les fascias, on peut donc libérer les tensions profondes de la sphère thoracique et intervenir lors de pathologies respiratoires chez le cheval.

Le corps est comme une machine, les articulations sont comme des poulies et les tissus (muscles, tendons, ligaments, etc) sont comme des liens entre ces dernières. La Nature est l’architecte et l’ostéopathe est le mécanicien. Aucune tension ne doit être présente, sinon on pourra retrouver des conséquences proches ou très éloignées, engendrant à long terme l’apparition de pathologies, comme par exemple une insuffisance respiratoire dont traitait le sujet de cet article.

Sources :

Cours ESAO.

Mémoire de fin d’étude : Analyse ostéopathique de l’insuffisance respiratoire chez le cheval, Caroline SCHLECHT, 2016.

Approche tissulaire de l’Ostéopathie, Pierre TRICOT.

Technique d’élevage :
– L’emphysème équin ou l’obstruction récurrente des voies respiratoires du cheval adulte, juin 2015
– Quelles mesures pour un cheval ou un poney emphysémateux ? D’abord l’hygiène de vie !, octobre 2012
– Mon cheval tousse en hiver, décembre 2009 – Rhume, jetage, toux et autres tracas de l’hiver chez le cheval, octobre 2009