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A travers cet article j’aimerais vous présenter un tissu qui m’est cher dans ma pratique ostéopathique et vous expliquer les raisons qui me font croire à sa place incontournable dans le diagnostic et le traitement ostéopathique.

Avant toute chose, qu’est ce que le fascia ?

Le fascia est un tissu conjonctif, il a donc un rôle de soutien. Il enveloppe muscles, nerfs, artères, veines, vaisseaux lymphatiques, organes, etc. Il est OMNIPRESENT dans notre corps, chaque fascia étant en continuité avec le précédent ainsi que le suivant. Il illustre parfaitement le principe d’unité du corps de la philosophie ostéopathique. C’est donc un outil de soin merveilleux pour le thérapeute.

Déjà au XIXème siècle, le fondateur de l’ostéopathie Andrew Taylor STILL avait perçu le « pouvoir » de santé de ce tissu particulier :

« Le rôle que joue le fascia dans la vie et la mort constitue pour nous un problème majeur à résoudre – peut-être le plus grand. Il engaine chaque muscle, veine, nerf et tous les organes du corps. Il y a presque un réseau de nerfs, de cellules et de tubes allant vers ou venant de lui ; il est traversé et garni sans aucun doute avec des millions de centres nerveux et de fibres destinés à perpétuer le travail de sécrétion de fluides vitaux et d’excrétion de fluides destructeurs. Par son action nous vivons, par son échec nous nous ratatinons ou enflons, et nous mourrons.».

Le fascia n’est donc pas un « simple » tissu d’emballage…

Fonction de communication à travers le corps

Les fascias vont permettre une communication tissulaire à travers tout le corps, offrant un second moyen de communication en plus de celui du système nerveux. En effet, les cellules constituant le fascia communiquent constamment avec leur milieu extracellulaire. Elles peuvent donc modifier leur environnement selon leurs besoins, et inversement un changement dans leur environnement modifiera leur comportement. Ceci participe donc à la propagation des tensions à travers le corps et donc à la mise en place des chaînes lésionnelles ostéopathiques.

Le fascia étant richement innervé, il existe une coordination des 2 systèmes de régulation de l’organisme.

Fonction de support et de soutènement

Comme souligné précédemment le fascia est support des vaisseaux et des nerfs qui régissent l’homéostasie (capacité du corps à s’autoréguler).

Il assure également une fonction de soutien du corps de manière passive permettant un minimum de dépense énergétique, on peut citer :

– le ligament suspenseur du boulet, qui soutient le boulet du cheval lors du repos de manière passive et optimise le mouvement et l’amortissement des chocs en dynamique

– la ligne blanche qui s’étend du sternum jusqu’au pubis (bassin) et relie les muscles abdominaux, elle permet le soutènement passif des viscères chez les quadrupèdes, fonction très importante car ceux ci sont constamment soumis à la force de gravité

– le ligament nuchal qui relie le garrot à l’occiput (crâne) et soutient passivement l’encolure et la tête

– etc

Fonction immunitaire et de cicatrisation

Il contient de nombreuses cellules immunitaires, c’est une ligne de défense en cas d’atteinte infectieuse. Lorsqu’une bactérie ou virus pénètre les tissus, elle va changer le pH tissulaire, le rendant plus acide. Les fibroblastes vont réagir en conséquence et synthétiser des macromolécules qui rendront la matrice extracellulaire plus dense, ralentissant ainsi la propagation. Les modifications tissulaires locales vont de plus stimuler l’arrivée des macrophages sur le site de l’infection. Ces phénomènes ont lieu avant la somation du reste de l’organisme.

Le fascia joue également un rôle dans les processus de réparation tissulaire. Lors d’une lésion, les fibroblastes du fascia vont migrer jusqu’au site et libérer de manière plus ou moins aléatoire des facteurs et macromolécules, ceci va entraîner la formation d’un tissu cicatriciel non orienté et parfois excessif et anarchique : les futures adhérences !

Fonction contractile

Les fascias contiennent des myofibroblastes, des cellules capables de se « contracter ». Ce mécanisme et son contrôle sont aujourd’hui encore du ressort de l’expérimentation. La fonction contractile des fascias n’est pour le moment ni quantifiée en amplitude ni en force. De plus cette contraction serait uniquement régit par le système sympathique (réponse au stress, action) sans influence du parasympathique (détente, homéostasie) pour contrebalancer. On imagine donc l’importance de ce point dans la mise en place de processus dysfonctionnels et pathologiques.

Fonctions spécifiques des fascias

Les fascias musculaires : ils coordonnent le mouvement des différents groupes musculaires et absorbent les chocs afin de protéger mécaniquement les muscles. Quand le fascia faillit à sa mission suite à des traumatismes répétés on voit apparaître tendinite, arthrose, etc.

Les fascias viscéraux : ils entourent et suspendent les organes, et supportent leur vascularisation et leur innervation. Ils participent donc à la mobilité viscérale.

Les fascias et le système nerveux : le cerveau et la moelle épinière sont enveloppés par les méninges composées de 3 couches dont la plus externe, la dure-mère, est considérée comme un fascia. Celle ci s’insérant au niveau du crâne, des cervicales 2 et 3 et du sacrum, relie l’axe crânio-sacré et participe au mouvement respiratoire primaire (MRP).

Le principe de tenségrité

Ah, nous y voilà, le fameux principe de tenségrité… alors qu’est ce que c’est ? C’est un concept alliant tension et intégrité. Le principe d’un modèle de tenségrité est qu’il est composé par des brins rigides reliés entre eux par des éléments flexibles exerçant une tension.

Ce modèle a été appliqué au corps : les brins rigides étant les os, et les éléments flexibles le système myofascial. On peut donc qualifier le corps de structure « tensègre ».

Le raccourcissement d’un des éléments flexibles va changer l’orientation des brins auxquels il est rattaché, mais aussi de ceux situés à distance, cela nous rappelle bien le processus de propagation d’une dysfonction ostéopathique primaire (cause) amenant à des compensations et dysfonctions ostéopathiques secondaires (conséquences).

Puisque tout est lié de manière directe ou indirecte (unité du corps), une seule dysfonction ou tension va modifier l’équilibre global !

Illustration du principe de tenségrité

Selon ce modèle, les fascias ont donc un rôle majeur d’une part dans la biomécanique naturelle chez un corps sain, et d’autre part dans la propagation des tensions et la mise en place de chaînes lésionnelles dans un corps « malade ».

Importance des fascias dans le diagnostic ostéopathique

Nous avons vu que les fascias forment une continuité dans le corps, ce dernier répondant au modèle de tenségrité, l’apparition d’une tension à un endroit du corps entraînera une propagation à travers tout le système de haubans afin de trouver une position antalgique (non douloureuse), permettant de rester « équilibrer » et de continuer de « fonctionner » tant bien que mal, on parle de compensation voire d’adaptation (facteur temps, irréversibilité). Comme pour les muscles, il existe donc des chaînes fasciales naturelles et d’autres dysfonctionnelles.

Les tensions en présence et les modifications tissulaires sont donc des indices précieux pour le thérapeute lors de son diagnostic afin de déterminer la cause et de comprendre les réactions en chaîne.

Importance des fascias dans le traitement ostéopathique

Quelque soit la technique utilisée (structurelle, viscérale, tissulaire ou crânienne), l’ostéopathe va agir sur les fascias, et leurs réactions aux manipulations vont conditionner le retour à la santé. Il est également important de les traiter car ils contiennent une importante mémoire cellulaire de part la présence de nombreux nocicepteurs (récepteurs de la douleur). Les techniques d’écoute et de traitement spécifiquement dédiées aux fascias se nomment fasciathérapie, elles sont à intégrer dans le panel d’outils du praticien, mais ce dernier ne doit pas se cantonner à cela. En effet se restreindre à un type de tissu ne répondrait pas aux principes de la philosophie ostéopathique, elles sont donc à inclure dans une vision globale du corps afin d’offrir un soin le plus complet possible pour restaurer la santé et l’équilibre !

Enfin, il semblerait que les fascias soient le lieu de la mémoire émotionnelle du corps. La modification posturale engendrée dans des situations émotionnellement fortes, et l’activité soudaine et importante du système nerveux sympathique, provoqueraient des modifications sur le long terme de la matrice extracellulaire des fascias, transformant une émotion non palpable en position dysfonctionnelle.

Conclusion

J’espère que cet article vous aura éclairé sur les rôles merveilleux des fascias au sein de notre corps. Ces tissus sont de précieux outils pour le thérapeute afin de restaurer la santé. Leur bon fonctionnement est primordial pour l’équilibre et la régulation d’un organisme vivant.

« Le fascia joue un rôle primordial dans la vie et dans la mort ». A.T. Still

« Toutes les beautés de la vie sont exhibées dans le fascia. Il est la charpente de la vie, l’endroit où la vie séjourne ». A.T. Still

Je vous laisse terminer la lecture de cet article par le visionnage de cette vidéo qui nous montre que le fascia est une charpente en constant remodellement, conduisant l’eau et la vie à travers le corps…